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16 décembre 2021

L’imposition des cessions de titres

Depuis le 1er janvier 2018, les plus-values réalisées par le chef d’entreprise lors de la cession des titres de son entreprise sont soumises à un prélèvement forfaitaire unique (ou flat tax) de 12,8 %, représentatif de l’impôt sur le revenu auxquels s’ajoutent 17,2 % de prélèvements sociaux. Soit une imposition globale de 30 %, portée à 33 % ou à 34 %, compte tenu de la contribution exceptionnelle de 3 % ou de 4 % sur les hauts revenus généralement applicable en raison des sommes en jeu.

Toutefois, le chef d’entreprise conserve la possibilité d’opter pour l’imposition de sa plus-value au barème progressif de l’IR après application des abattements pour durée de détention pour déterminer le montant de l’impôt sur le revenu (les prélèvements sociaux de 17,2% restent néanmoins calculés sur la totalité de la plus-value).

Enfin, plutôt que de céder ses titres directement et de faire face à la fiscalité associée, l’article 150-0 B ter du Code Général des Impôts permet, au travers d’un double mécanisme d’apport-cession », d’obtenir un report d’imposition sous condition de réinvestissement du produit de cession généré.


I) L’abattement général pour durée de détention

L’abattement général est applicable aux plus-values réalisées sur les cessions de parts sociales, d’actions, des droits portants sur ces titres, et des titres représentatifs de ces parts sociales, actions ou droits, sauf si elles peuvent bénéficier du dispositif d’abattement renforcé. Le tableau suivant récapitule le taux de l’abattement général applicable en fonction de la durée de détention des titres cédés :

Durée de détention

Taux de l’abattement général

Moins de 2 ans

0 %

Au moins 2 ans et moins de 8 ans

50 %

Au moins 8 ans

65 %


Exemple : un dirigeant associé à 100% a créé sa société, avant 2018, avec un capital de 5 000 euros réparti en 100 actions. 5 ans plus tard, il décide de céder la totalité de ses actions pour 150 000 euros et remplit les conditions pour bénéficier de l’abattement général. Une plus-value de 145 000 euros est réalisée et, compte tenu de la durée de détention des titres, un abattement général de 50% est applicable. Sur cette opération, le dirigeant associé est donc imposé à l’impôt sur le revenu sur une base de 72 500 euros (les 72 500 euros restants correspondent à l’abattement obtenu).


II) L’abattement renforcé pour durée de détention

Dans 3 situations spécifiques, le cédant peut, par dérogation à l’abattement général, bénéficier du dispositif d’abattement renforcé. Il s’agit :

  1. des plus-values sur cession de titres d’une PME nouvelle,
  2. des plus-values sur cession de titres dans le cadre d’un groupe familial,
  3. et des plus-values sur cession de titres à l’occasion d’un départ à la retraite.

Le tableau suivant récapitule le taux de l’abattement renforcé applicable en fonction de la durée de détention des titres cédés :

Durée de détention

Taux de l’abattement renforcé

Moins d’1 an

0 %

Au moins 1 an et moins de 4 ans

50 %

Au moins 4 ans et moins de 8 ans

65 %

Au moins 8 ans

85 %

 

Exemple : un dirigeant associé à 100% a créé sa société, avant 2018, avec un capital de 10 000 euros réparti en 1 000 parts sociales. 9 ans plus tard, il décide de céder la totalité de ses parts sociales pour 200 000 euros et remplit les conditions pour bénéficier de l’abattement renforcé. Une plus-value de 190 000 euros est réalisée et, compte tenu de la durée de détention des titres, un abattement renforcé de 85% est applicable. Sur cette opération, le dirigeant associé est donc imposé à l’impôt sur le revenu sur une base de 28 500 euros (les 161 500 euros restants correspondent à l’abattement obtenu).

 

a) Les plus-values sur cession de titres d’une PME nouvelle

Le cédant peut bénéficier de l’abattement renforcé lorsque la société dont les titres cédés est une PME nouvelle, c’est-à-dire qu’elle répond aux conditions suivantes :
elle est créée depuis moins de 10 ans (condition appréciée à la date de souscription ou d’acquisition des titres),
elle n’est pas issue d’une restructuration, d’une concentration, ou d’une extension ou reprise d’activités préexistantes,
elle compte moins de 250 salariés et réalise moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou moins de 43 millions d’euros de total bilan (condition appréciée à la clôture du dernier exercice clos précédent l’acquisition ou la souscription des titres, ou, à défaut, à la date de clôture du premier exercice),
elle est passible de l’impôt sur les bénéfices ou d’un impôt équivalent (condition appréciée de la date de création de la société jusqu’à la cession des titres),
elle exerce une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole (à l’exception de la gestion de patrimoine mobilier ou immobilier) (condition appréciée de la date de création de la société jusqu’à la cession des titres),
elle doit avoir son siège social dans un Etat de l’UE, ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen (EEE) ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France (condition appréciée de la date de création de la société jusqu’à la cession des titres),
et elle n’accorde aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leur souscription (condition appréciée de la date de création de la société jusqu’à la cession des titres).


b) Les plus-values sur cession de titres dans le cadre d’un groupe familial

Le cédant peut bénéficier de l’abattement renforcé lorsque l’opération est réalisée dans le cadre d’un groupe familial, c’est-à-dire :
que l’opération porte sur une participation d’au moins 25% des droits aux bénéfices sociaux durant les 5 dernières années,
que la cession soit réalisée au profit d’un membre du groupe familial du cédant, c’est-à-dire son conjoint, son partenaire lié par un PACS, ses ascendants ou descendants (de lui ou de son conjoint), ses frères et soeurs (de lui, de son conjoint ou de son partenaire lié par un PACS),
que la société dont les titres sont cédés soit soumise à l’IS ou à un impôt équivalent,
que la société ait son siège social dans un Etat membre de l’UE ou partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu une convention d’assistance administrative avec la France.
Enfin, l’acquéreur ne doit pas revendre à un tiers au groupe familial du cédant tout ou partie des droits sociaux dans le délai de 5 ans suivant la date de l’acquisition.
Les plus-values sur cession de titres à l’occasion d’un départ à la retraite
En cas de départ à la retraite, le cédant peut bénéficier de l’abattement renforcé à condition :
qu’il ait exercé de manière continue son activité pendant au moins 5 ans avant de céder ses titres,
qu’il ait détenu, seul ou en famille, au moins 25% du capital social pendant au moins 5 ans avant de céder ses titres,
que ses fonctions de direction lui aient apporté au moins 50% de ses revenus professionnels de manière continue pendant au moins 5 ans avant de céder ses titres,
qu’il cesse toute fonction de direction suite à la cession et qu’il fasse valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans qui précèdent ou suivent la cession,
que la société compte moins de 250 salariés et réalise moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou moins de 43 millions d’euros de total bilan (condition appréciée à la clôture du dernier exercice clos précédent l’acquisition ou la souscription des titres, ou, à défaut, à la date de clôture du premier exercice).
Enfin, le cédant ne doit pas détenir de droit dans la société dont les titres sont cédés durant les 3 années qui suivant la cession.


III) Comment déclarer votre abattement ?

Si vous pouvez bénéficier d’un abattement pour durée de détention sur une plus-value de cession de titres, vous devez l’indiquer dans votre déclaration personnelle d’impôt sur le revenu, au cadre « Plus-values de cession de valeurs mobilières, droits sociaux et gains assimilés ».
Si vous bénéficiez de l’abattement général :
vous déclarez le montant de l’abattement sur la ligne « abattement net pour durée de détention appliqué »,
vous déclarez la quote-part imposable de la plus-value sur la ligne sur la ligne « plus-value imposable ».

Exemple : vous réalisez une plus-value de 100 000 euros et pouvez bénéficier de l’abattement général de 50%. Vous devez donc déclarer 50 000 euros sur la ligne « plus-value imposable » et 50 000 euros sur la ligne « abattement net pour durée de détention appliqué ».
La somme des deux montants indiqués doit être égale au montant de la plus-value réalisée.
Si vous bénéficiez de l’abattement renforcé :
vous déclarez le montant de l’abattement sur la ligne « abattement net pour durée de détention renforcé appliqué »,
vous déclarez la quote-part imposable de la plus-value sur la ligne « plus-value imposable ».

Exemple : vous réalisez une plus-value de 100 000 euros et pouvez bénéficier de l’abattement général de 85%. Vous devez donc déclarer 15 000 euros sur la ligne « plus-value imposable » et 85 000 euros sur la ligne « abattement net pour durée de détention appliqué ».

La somme des deux montants indiqués doit être égale au montant de la plus-value réalisée.


IV) Apport-cession, en quoi consiste le réinvestissement du produit de cession ?

La première étape du mécanisme « d’apport-cession » consiste, pour le dirigeant, à apporter les titres de la société qu’il envisage de céder à une société holding soumise à l’Impôt sur les Sociétés (IS), dont il a le contrôle et qu’il aura généralement constituée pour l’occasion. L’imposition de la plus-value réalisée par le dirigeant lors de cet apport de titres est alors automatiquement mise en report d’imposition. Cela signifie qu’elle est différée au moment où la société holding cédera elle-même les titres à un nouvel acquéreur. L’imposition dépendra ensuite du temps écoulé entre l’apport des titres du dirigeant à la holding et la cession des titres de la holding à une société tierce : Si la société holding cède les titres plus de 3 ans après l’apport : dans le cas d’une cession des titres par la holding plus de 3 ans après l’apport des titres par le dirigeant, le report est définitivement acquis et la plus-value calculée au moment de l’apport des titres n’est pas imposée. Si la société holding cède les titres moins de 3 ans après l’apport : dans le cas d’une cession des titres par la holding moins de 3 ans après l’apport des titres par le dirigeant, le report d’imposition peut être conservé à condition d’un réemploi du produit de cession. Cette seconde étape consiste (i) au réemploi d’au moins 60% du produit de cession dans une entreprise éligible (ii) dans un délai de deux ans à compter de la date de cession des titres (iii) pour une durée d’investissement (conservation des titres nouvellement acquis) de 12 mois minimum. Si ces conditions sont respectées, alors la plus-value calculée au moment de l’apport des titres n’est pas imposée (150-0 b ter du CGI). Si ces conditions ne sont pas respectées, l’imposition sur les plus-values est due. Enfin, cette opération convient uniquement à une catégorie d’entrepreneurs : ceux qui envisagent de céder leur société puis de réinvestir dans d’autres activités. L’entrepreneur qui souhaite vendre sa société et disposer personnellement des fonds issus de la cession n’a aucun intérêt à apporter préalablement ses titres à une société holding.